
« L'éco anxiété, désigne l'anxiété provoquée par les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète, ou une forme d'anxiété liée à une forme d'impuissance face aux problématiques environnementales contemporaines. » (Wikipédia)
Il y a aujourd'hui chez certains d'entre nous, un réel mal-être psychologique, de la pensée, de l'humeur ou du comportement. C'est une nouvelle forme de malaise. Chaque période historique a vu des pathologies ou des formes de peurs, d'angoisses toucher l'être humain. Si le terme éco anxiété est nouveau, lié à notre époque, l'état d'angoisse ou d'anxiété est inhérent à l'homme, face à la finitude, et à la peur de la mort. Ici, on assiste à une anxiété liée à une dégradation de l'environnement écologique, qui va au-delà de l'individu en tant que tel.
AVANT, SUR NOTRE TERRE.
Nos parents, pour certains d'entre nous, ont été traumatisés par une guerre mondiale sur notre territoire. Je ne sais pas si on parlait à l'époque de leurs souffrances face à la menace de leurs personnes, de leurs biens, de leurs familles. Et je ne sais pas si on a vraiment pris la mesure, du désespoir de nos anciens. Nous n'étions pas encore dans la prise en compte réelle du traumatisme des guerres. Cette génération s'est battue, mais a eu peu l'occasion de parler du choc, du trauma laissés par la guerre, tout comme ceux revenant de la guerre du Vietnam.
Les séances de psychothérapie n'existaient pas encore de manière naturelle. Il y avait la psychanalyse pour les plus nantis, mais « on n'était pas fou » ! On n'y allait pas. Ce n'était pas dans l'actualité culturelle. Cette génération s'est relevée, comme ça, boitante, amochée, dans le déni parfois, mais prête à profiter de la paix qui a suivi. On a assisté à beaucoup d'actions, et de force pour s'opposer à l'ennemi.
La meilleure façon de ne pas subir de plein fouet un état anxiogène a été parfois, l'engagement pour une cause collective qui leur tenait à coeur. Il fallait du courage alors, pour s'opposer à l'adversité, quitte à y laisser sa vie !
Alors oui, l'état de la planète aujourd'hui, parlons- en.
ICI, MAINTENANT.
Si le terme d'éco anxiété est nouveau, la menace environnementale ne l'est pas. Les catastrophes, les guerres, ont toujours peuplé notre paysage d'humain. Il y a une chose importante aujourd'hui, c'est la masse d'informations qui nous agresse tous les jours. On est abreuvé de catastrophisme en tout genre. On ne peut pas sortir indemne du phénomène. L'anxiété s'alimente en boucle. Comme si on nous mettait sous une chape de malaise permanent. Et nous, on reste sous la chape ! Alors bien sûr, il existe un réel état de souffrances de la terre, mais faisons attention à ce que l'on en fait, et surtout à ce qu'on pense. Si on nourrit ses pensées, quotidiennement de négatif, on se trouvera sans aucun doute, sous anxiolytiques bientôt ! Ça ne servira pas à l'amélioration du monde.
Les jeunes pensent beaucoup et bien. Ils se posent de vraies questions et participent pour beaucoup à l'amélioration des choses. Mais, attention à ne pas tomber dans le piège de « tout est foutu » ! On tomberait alors dans l'excès. Une forme de mal-être, pourrait nous pousser à un pessimisme global.
Les conversations s'orientent parfois vers une négation de notre génération, les vieux de 60 ans : les Baby Boomers, qui auraient participé violemment à la dégradation de notre planète. Alors, de ce fait, on pourrait se sentir très coupables.
Il y a des anciens, du coup, qui militent presque plus fortement que les plus jeunes, une façon peut être de se racheter… une noble cause les anime. J'observe des initiatives personnelles et collectives se mettre en place pour agir ensemble. Une vraie solidarité permet des actions importantes, qui vont redonner du sens ! En tout temps de guerres et de menaces, on a besoin de s'engager pour redonner un sens à ce que l'on vit.
LA PETITE HISTOIRE.
Dans notre génération, dans les années 60-70, on était dans le profit, de tout ce que l'après guerre nous avait laissé. En pleine « Trente Glorieuses », on jouissait pleinement de la vie ! On ne se souciait pas de l'état de la planète, parce que tout simplement, l'état était encore bon ! On n'était pas dans cette information là. La fin de la prospérité s'est soldée avec la 1ère crise du pétrole en 1973. De très rares personnes ont cependant, commencé à se préoccuper de la planète, mais on ne les entendait pas. L'époque étaient encore à l'insouciance après une période de famine, de guerre.
Le paysage écologique a commencé à se noircir, à notre connaissance, en 1978 avec le ravage de l'Amoco Cadix. Ce pétrolier super tanker qui vient s'échouer sur les côtes Bretonnes ! 220 000 tonnes de pétrole répandus, provoquant alors la pire marée noire de l'histoire.
On était médusé. C'était la première information alarmiste sur l'écologie. L'océan, la mer faisaient partie de notre environnement de vacances, d'insouciance, de repos. On était tous bien ébranlé, du fait.
On tenait beaucoup à la nature, même si aujourd'hui, on pourrait en douter. Mais les pétroliers, les industries n'étaient pas de notre pouvoir. On rageait déjà, contre les puissances qui polluent, les irresponsables qui nous gâchent.
En revanche, on arrosait notre jardin potager de pesticides. On nous vendait cela pour la bonne santé de nos fruits et légumes ! On ne parlait pas des ravages futurs. On était en pleine consommation de produits nouveaux qui allaient améliorer considérablement notre quotidien. Et ça marchait bien. Aujourd'hui, on a récupéré cette capacité du doute, qui nous fait réfléchir. On nous a vendu trop de cadeaux empoisonnés.
A CHAQUE EPOQUE SON ANXIETE
L'état de la planète nous soucie tous aujourd'hui, mais nous, l'ancienne génération, nous sommes plutôt sur le départ. On commence nos cartons… Nous avons vécu de belles choses. Nous avons eu la chance de ne connaitre aucune guerre sur notre territoire ! Alors oui, nous avons joui, de notre jeunesse dans l'insouciance de ces moments de paix et de prospérité.
Nous avons fait, par ailleurs, nos manifs sur le pouvoir d'achat. Nous avons accompagné, pour certains nos parents, à Mai 68, en fin de cortège pour pas nous prendre les lacrymos dans les yeux ! Nous avons manifesté contre les « fachos » de la fac de droit qui venaient semer la violence, à l'inter cours. De cela, on se rappelle. On était anxieux, d'une nouvelle forme d'extrémisme, à venir !
Alors on a chacun son combat, et à chaque époque, on essaie de résister, et de trouver une réponse.
UNE NOUVELLE CONSCIENCE.
La génération Z est consciente qu'elle a ce combat à mener. De la sauvegarde des baleines, au sauvetage des migrants en Méditerranée, il y a du boulot !
Il faut trier ses déchets. On fait trop de détritus, et on est trop nombreux sur cette planète, à en faire. Des poubelles regorgent de cartons, de plastiques.
Alors oui, on s'y met. On trie, on achète plutôt du verre, et on achète plutôt sans emballage. On se responsabilise, chacun à son niveau. On n'a plus de sacs à disposition dans les supermarchés. On apporte le sien aujourd'hui pour éviter cette surconsommation de plastiques qui va, par répercussion étouffer la faune marine, et qui va polluer plus loin, nos rivières, nos océans. C'est une autre philosophie, une autre façon de penser. On fait du vélo, meilleur pour la forme et la planète ! On évite trop la voiture individuelle, on prend un co-voiturage.
Depuis le Covid, on est de ceux qui regroupent les déplacements en voiture. Certains jeunes très sensibles, à la pollution, à l'empreinte carbone, ne prennent plus l'avion. Ils se déplacent en train, moins polluants, quitte à passer des heures dans les transports. Ils ne privilégient plus la vitesse, mais la planète. Certains pilotes d'avion minés par l'éco anxiété, se sentent coupables de conduire un avion, et décident de démissionner pour raison écologique. Leurs valeurs ne correspondent plus au métier pratiqué.
Shaka Ponk, a fait sa dernière tournée de concerts, pour ne plus polluer, et éviter au mieux l'empreinte de leurs déplacements, de leurs gigantesques matériels polluants. Une prise de conscience qui vient s'inscrire naturellement dans la culture.
Ce qui m'interroge, c'est que cette éco anxiété peut pousser les nouvelles générations, à l'extrême parfois. Il y a les puristes, ceux qui ne feront pas d'enfant, par choix de ne pas mettre en péril une vie future. Il y en a même qui vont se faire opérer de façon irréversible, pour éviter une procréation.
Leur choix, est clairement défini, d'arrêter le cycle de la vie, pour éviter le surpeuplement. Alors, ça peut laisser place à pas mal d'interrogations, et d'anxiété, qui s'alimentent ad vitam aeternam… L'état de la planète est préoccupant, grave. Est ce que l'énergie morose que nous pouvons renvoyer, servira à une amélioration du monde ?
Regardons nous, penser, et agir. La conscience de l'état du monde, s'étend aussi à la conscience de la portée de nos pensées négatives sur ce même monde.
L'IMPUISSANCE, L'IMPOUVOIR.
Quand on souffre d'anxiété, quelle qu'elle soit, et pour ne pas subir un état de fait, on constate que l'action est souvent le meilleur remède. Prendre un nouveau départ pour s'engager dans des actions collectives. Etre dans une communauté de valeurs diminue le désespoir, l'impuissance, en augmentant la réussite des actions. On se sent à nouveau utile, en lien avec les autres, et avec notre nature.
A ce sujet, j'ai accompagné en thérapie une personne éco anxieuse de 26 ans, ingénieur de formation, il subissait cette morosité ambiante alimentée par les réseaux sociaux. Ses besoins d'informations continuelles sur l'état du monde, le propulsait sans cesse dans des interrogations existentielles. Piégé dans une addiction, il écoutait, et s'abreuvait de nouvelles peu réjouissantes, de débats dramatiques sur l'écologie actuelle, sur l'état des guerres en Europe. L'avenir était clos pour lui, dans un chaos présagé. Il était devenu végétarien, s'interdisait de prendre l'avion, roulait à vélo, et s'opposait à toutes formes de consommations inutiles. Son métier ne lui paraissait plus en adéquation avec ses valeurs, et son désir d'être père, s'émoussait au fil du temps: « Qu'est ce j'offre comme avenir, à un enfant » ? Face à cette impuissance, il ne se projetait plus, tétanisé du fait, dans une immobilité d'action. Ses peurs avaient pris toute la place. Ses actions personnelles pour sauvegarder l'environnement n'étaient jamais, à ses yeux suffisantes face au désastre à venir. Il tournait en rond. Dans cet impouvoir constant, seule l'action à un niveau différent pouvait peut être lui redonner le goût. Ancien membre de Sea Sheperd, il connaissait l'engagement à un niveau collectif, international. Il a peu à peu, pris conscience de son besoin de sortir de cette impasse existentielle, et de s'investir à un niveau communautaire. Ce nouveau sens, le transformait, le rendait plus combatif, plus déterminé. Il avait trouvé la voie qui lui permettait de ne plus subir ses angoisses, mais d'en faire quelque chose.
On voit que l'engagement peut être une une source de sens, pour diminuer nos angoisses. Tout ce que l'on subit peut nous enfermer dans un état dépressif, que ce soit dans l'éco anxiété ou dans une autre forme de mal-être.
Seule l'action, la possibilité d'agir à notre niveau, nous sort de l'impuissance.
ET ALORS… ENSUITE…
Ici et maintenant, on peut se réjouir, de ce que la vie nous offre encore de meilleur. Trop de projections dans le futur nous gâchent. Sachons, que nos anticipations ne sont pas forcément justes, et qu'elles sont toujours ou presque pessimistes ! Notre cerveau nous leurre très souvent, dans un scénario négatif.
En revanche, l'espoir qui se nourrit, peut aboutir à la chance d'un changement que l'on voit se profiler déjà. La tendance est peut être en train de se renverser.
Les idées pessimistes n'éclairent pas le monde de belles nouveautés. Elles servent juste à nous faire peur, et à empêcher notre évolution. Elles nous ligotent dans une victimisation, sans fin. Attention, à ne pas nous laisser noyer dans le catastrophisme.
On peut s'interroger sur comment, on pense le monde aujourd'hui ? Comment nos interactions, dans notre environnement, auront un impact futur sur notre santé, sur la vie de la planète ?
Comment faire avec l'environnement, mouvant, insécure ?
Comment s'inscrire dans une quête de sens porteuse d'espoir ?
Christine Maurel.